Quand décider ne suffit plus : la solitude du décideur
Ces dernières semaines, j’ai mené une série d’entretiens confidentiels avec des dirigeants, entrepreneurs et décideurs confrontés à un moment de bascule : cession, transmission, dilution, recomposition de gouvernance, arrivée d’un fonds.
Je n’ai posé qu’un cadre simple.
Et j’ai surtout écouté.
Ce qui m’a frappée n’est pas la complexité des situations — elles le sont presque toujours —
mais la solitude intérieure qui accompagne ces moments.
Tous savent décider.
Ils ont l’habitude de trancher, d’assumer, d’avancer.
Et pourtant, derrière la maîtrise, revient la même chose :
un point de doute silencieux.
Non pas sur quoi faire,
mais sur la justesse de l’acte.
Beaucoup parlent d’un plafond invisible.
D’une décision qui tient sur le papier, mais pas à l’intérieur.
D’un écart subtil entre la stratégie affichée et quelque chose de plus intime, plus essentiel, qui résiste.
Ce qui résiste n’est pas un manque d’analyse.
Ni un déficit de compétence.
C’est souvent le temps subjectif de la décision qui n’a pas été respecté.
Dans ces moments-là, décider trop vite peut devenir une façon de faire taire une question plus profonde :
celle de la place que l’on accepte — ou non — d’occuper après l’acte.
Ces entretiens m’ont confirmé une chose :
dans certains moments décisifs, le vrai risque n’est pas de se tromper,
mais de poser une décision qui n’est pas encore habitée.
Décider, alors, n’est plus seulement choisir une option.
C’est tenir une posture.
Une posture stratégique, bien sûr.
Mais aussi une posture intérieure, symbolique, parfois existentielle.
Et certaines décisions exigent que cette posture ne soit pas tenue seule.
Pourquoi cette élaboration compte
Parce qu’une décision qui n’a pas été suffisamment élaborée revient.
Sous forme de tensions de gouvernance.
De conflits répétés.
De fatigue, de désengagement, ou de sentiment diffus de trahison — de soi, parfois.
À l’inverse, une décision juste n’est pas forcément confortable.
Mais elle est tenable dans le temps.
C’est à partir de ce constat que j’ai souhaité poser un cadre clair pour mon travail :
un espace confidentiel d’élaboration, là où tout se rejoue —
entre stratégie, gouvernance et position intérieure.
—- Cet article fait partie d’une trilogie consacrée aux moments décisifs :
Quand décider ne suffit plus · Il n’y a rien de pire qu’une décision non prise · Décider sans garantie